Le monde du digital ne se cache plus derrière des poncifs du tout gratuit et se dévoile comme une industrie qu’il a toujours été. Fini le temps de la connaissance pour tous à portée de clic, du média donnant plus de visibilité à l’intelligence qu’à la richesse .Place aux algorithmes lucratifs. Ce n’est pas une révolution. Juste une évolution naturelle vers une recherche de rentabilité après avoir été un effort sans précédent pour bons nombres d’investisseurs.
Maintenant que le marché est créé et surtout bien ancré dans nos habitudes, la phase de la monétisation n’en est qu’à ses débuts. Comment, nous, les communicants, allons nous nous adapter à ce qui s’impose comme un nouveau paradigme? Le référencement naturel restera-t-il le levier roi? Les réseaux sociaux payants seront-ils aussi efficaces que les gratuits?
Une migration vers du payant
Internet n’a jamais été gratuit et au début il était même très cher. Ceux qui ont connus le doux sifflement des modems 56K cherchant à se connecter, se souviennent surement du prix de leur abonnement mensuel. La généralisation de la couverture à permis dans un premier temps de faire baisser drastiquement les coûts des FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet). Depuis 3 ans nous assistons, la aussi, à une inflation qui semble acceptée. Les usagers préférant sans doute limiter d’autres dépenses que de se restreindre à l’utilisation d’un smartphone de plus de 3 ans et les offres à plus de 100Go mensuels sont a toutes leurs catalogues.
La migration du payant a été inaugurée par la télévision depuis de nombreuses années sous la forme d’abonnement. Cela a été très bien accepté par la population et les offres se sont multipliées. Canal+® a ouvert ce marché dans lequel les Disney ®, Amazon®, Netflix®, et autres ce sont engouffrés avec succès. Ce constat ouvre la porte vers une nouvelle consommation du contenu numérique. Ce pose la question de la transmutabilité vers le digital.
Fini le temps des geeks fabricant de décodeurs C+ dans leur chambre d’étudiant, des plateformes de téléchargement peer to peer. Plus personne ne craint les foudres de la loi Hadopi, le risque n’est plus rentable et moins efficace qu’un abonnement à 10€/ mois. Tant mieux, si cela assainisse cette économie, récompense les investisseurs et les créateurs de contenus. C’est un juste retour des choses pour tous ceux qui investissent du temps et de l’énergie à concevoir des contenus qui se retrouvent pillés par des consommateurs pas toujours reconnaissant du travail fourni.
Le gratuit a ses limites naturelles et il y a longtemps qu’elles ont été atteintes.
Pour que la migration vers le payant soit un succès il a fallu préparer le terrain. Cela a pris des années pour ancrer des habitudes. Un voyage dans les transports en commun vous convaincra rapidement que nous sommes tous addicts au numérique.La marché est créé et perenne il va être exploité maintenant. Cette addiction est incontestable nous pouvons passer à la seconde phase: de l’usage à la monétisation.
Vous n’y croyez pas? Et pourtant…
Deezer et Spotify ont ouvert le bal
Internet à tuer le marché des CD et la diffusion gratuite de musique a contraint l’industrie musicale a changer son modèle économique. Ces plateformes ont toujours leur accès gratuit (phase de conquête d’auditeurs), mais à part pour un test, qui peut avoir envie d’avoir ses musiques préférées continuellement coupées par de la publicité? L’abonnement payant s’est imposé naturellement chez tous les accros à ces services.
Dailymotion parti trop tôt à ouvert une voie pour Youtube
Dailymotion a popularisé le marché de la vidéo à la demande, mais ses investisseurs ont voulu rentabiliser le modèle avant qu’il ne soit ancré dans la société. Impatience des business-angels européens qui ont imposé trop tôt des publicités avant chaque vidéo. Le concurrent américain a été plus patient (c’est culturel chez les investisseurs anglo-saxons!). Youtube est d’abord devenu la plateforme incontournable de l’hébergement vidéo. En faisant tout pour faciliter la création de contenu et mettant en avant les plus fidèles producteurs. Les Youtubeurs sont devenus des stars de l’écran numérique comme d’autres ont été des animateurs vedettes de la télévision. On commence toujours par favoriser l’usage puis on le rentabilise (vieux principe de l’échantillon gratuit)
Youtube premium est proposé depuis en France depuis juin 2018. 80 Millions d’abonnés dans le monde en octobre 2022. Ce chiffre va exploser grâce à la tactique que Deezer et Spotify ont inauguré. Mettre suffisamment d’interruptions publicitaires pour que l’usage gratuit donne envie mais ne soit pas une expérience agréable. Ceux qui consomment les retransmissions de concerts sur Youtube savent de quoi je veux parler.
Même certaines vidéos de notre chaine ont des « premières parties publicitaires » et pourtant nous ne touchons aucune royaltie autre que l’hébergement gratuit.
Le cercle vertueux est prêt à se mettre en place. Il y a des vues, on donne plus de visibilité. Il y a plus de visibilité cela entraine plus de vues et ainsi de suite. Il faut trouver la vidéo qui lancera la chaine. Écrire le post qui aura le plus d’engagement et s’est déclinable sur tous les leviers du digital.
X et Méta se lancent dans le payant
Elon Musk a fait sourire en proposant son abonnement à X (exTwitter) pour valoriser des twittos en leur proposant un macaron bleu de certification contre un abonnement mensuel. En échange les abonnés pourront percevoir une rémunération en fonction de leur audience sur leur post. X étant suffisamment addictif pour que l’audience soit là, attire des annonceurs mais aussi des créateurs de contenus faciles à générer rapidement.
Dans la foulée le Groupe Meta (Facebook et Instagram) annonce un abonnement pour l’utilisation de leurs réseaux sociaux sans publicité. Autant vous dire que l’usage en mode gratuit va devenir de plus en plus pénible. Attention toutefois à ce que l’audience ne s’écroule pas car tout le business-model repose sur cette audience. Mais X a ouvert la voie. Les community managers vont devoir intégrer ce changement et se réinventer. Ce que l’on faisait et qui marchait hier ne fonctionnera plus demain et les plus anciens d’entre nous ont déjà vécu ces brusques revirements.
L’IA bouleverse les algorithmes
Parmi nos leviers de communication nous sommes déjà habitués aux caprices du SEO. Le monde des moteurs de recherche a déjà largement réussi leur stratégie de monétisation en proposant des programmes ADS particulièrement efficaces à des annonceurs de plus en plus friands d’une audience toujours croissante et qualifiée. Leur faiblesse n’est donc pas dans le volume de leur audience mais dans la rétention de cette dernière. Le temps de lecture (et donc des annonces) est trop faible par rapport à la concurrence des réseaux sociaux C’est un danger pour ce modèle économique. Les annonceurs sont très visibles, mais pas longtemps.
Pour retenir les usagers sur la page de présentation des résultats (la SERP) Google (incontestable leader de ce marché) a déjà proposé la position 0 grâce aux featured snippet. La réponse aux internautes leur était directement accessible sans qu’ils aient besoin de cliquer et de la lire sur un site internet. Génial pour la valorisation du moteur de recherche auprès des annonceurs et perte de trafic pour les sites internet. Les internautes lisent la page de résultats et les annonces présentes sont visibles plus longtemps. Cela ne suffit plus car la concurrence d’un nouveau type de recherche pointe son nez: La recherche via l’Intelligence Artificielle.
L’IA peut bouleverser totalement les positions que l’on croyait immuables parmi les moteurs de recherche internet. La riposte pourrait prendre la forme de Google SGE qui est en test sur le territoire américain. La Search Generative Experience, comme le surnomme Google n’est encore qu’expérimentale, mais je prends le pari que sa mise en production sera pour l’an prochain ou , au pire, l’année suivante.Sa généralisation pourrait avoir l’effet d’une bombe dans le monde du SEO. Google proposerait sur sa page de larges extraits du contenu des pages internet qu’il indexerait directement sans que les internautes n’aient besoin de lire sur le site d’origine. On peut même imaginer une réponse directe de l’IA en fonction du contenu de plusieurs pages. Nous sommes à la limite de la spoliation de contenu.
On appelle cela la tendance » zéro clic » et cela peut avoir un impact important sur le CTR (le ratio entre nombre de clic/ nombre d’impression) de tous les sites proposés après cette position 0 .Pour l’heureux élu le contenu sera d’autant mieux mis en avant et cela doit nous inciter à réfléchir sur comment exploiter cette nouvelle visibilité si l’on a la chance d’être élu par Google GSE. Certains sont déjà tentés par utiliser l’IA pour la création de leur contenu.( ce n’est pas le cas de cette page ni de ce blog exclusivement rédigée artisanalement) Il n’y a pas le feu car les fins utilisateurs de l’IA ne sont pas encore légions mais qui peut croire que nous ne vivons pas là une révolution majeure de votre métier?
Pas de panique ce ne serait pas la première fois que Google bouleverse totalement son algorithme et les plus anciens d’entre nous se rappellerons les secousses occasionnées par la publication de Panda et de Pingouin. il a fallu se réadapter rapidement aux nouvelles règles et les référenceurs ont démontrés leur réactivité dans ces moments. Dans tous les cas il faudra » nourrir » l’IA d’informations exploitables. Je pense à nos e-commercants qui vont devoir retravailler le contenu de leurs fiches produits de manière très exhaustive et ne pas se contenter d’un » mais c’est évident » ou d’un » je l’ai déjà dit sur une autre fiche »
Pour les plus geeks de mes lecteurs la fonctionnalité GSE est testable mais uniquement sur un compte US. Il faudra donc en crée un et se connecter via un VPN depuis les Etats-unis
Impacts sur les stratégies de Webmarketing
Une stratégie de webmarketing se défini par de la technique (la partie web) et par une profonde volonté de séduire et de convaincre notre lectorat (la partie marketing). Si la première partie est directement impactée par toutes les évolutions des différents leviers, la seconde ne l’est que très peu voire pas du tout. Tant mieux car c’est l’âme de nos métiers. Ceux qui ne juraient que par la pureté du code vont devoir revoir leurs copies. Il va falloir aller chercher la véritable nature de notre présence sur internet. Notre mission auprès de nos internautes et revenir aux raisons qui nous ont fait un jour devenir des webmarketeurs. En soi, se recentrer sur l’essentiel de ce que nos offres permettent à notre lectorat de résoudre est donc primordial.Le travail sur la marque et sur son positionnement marketing demeurent donc les fondements de votre stratégie digitale. La constance est la clef de voute de votre système de communication digitale. Une certitude est que plus que jamais une stratégie digitale efficace doit impérativement être multi-canal. N’en déplaise aux fans inconditionnel du SEO ou d’Instagram.
Impacts sur les leviers de communication
- Dans ce contexte où tout change très vite le seul levier qui est stable est l’email marketing qui s’affranchit totalement des algorithmes des uns et des autres. Sa seule limite est dans le volume et la qualification de sa base de contacts et de sa sollicitation judicieuse.Son automatisation possible est de plus en plus accessible et indispensable. Toutes les solutions le proposent désormais. Sa variante SMS va aussi s’accroitre avec une baisse des tarifs. C’est le plus ancien de nos leviers de communication digitale et aussi le plus facilement maîtrisable.Beaucoup de webmarketeur le néglige au profit du dernier réseau à la mode. Tant mieux la concurrence est déjà assez dure, ne boudons pas notre plaisir de pouvoir l’utiliser proprement.
- Le SEO va être probablement le plus profondément impacté. Son espace était déjà gangréné par le SEA. Il ne devra son salut que par la volonté des internautes de continuer a cliquer sur les positions naturelles. Celle-ci sera-t-elle encore suffisante quand il faudra être de plus en plus concentré pour trier ce qui est sponsorisé et ce qui ne l’est pas.Toutefois la pertinence du contenu (merci au temps de lecture) et aux interactions pourront offrir de belles opportunités de visibilité. Les articles devront pouvoir répondre à des questions basiques et être très pragmatiques. Est ce la fin des articles d’idées ou d’avis comme celui-ci? On peut le craindre en effet. La structuration des articles par les balises, comme dans le respects des règles de rédaction pour le web, devront être irréprochables.
- Le SMO (utilisation des réseaux sociaux en mode gratuit) a déjà été impacté fortement par l’arrivée du taux de reach défavorisant les communications trop « professionnelles » au profit des communications sponsorisées. Il est toutefois bien possible que son efficacité puisse s’accroitre dans ce contexte tant l’addiction au levier est forte. L’arrivée de Shorts, Reels et autres vidéos courtes donnent un nouvel élan a cette consommation de Fast-Infos et cela est un créneau a investir pour les marques. Moins facile a utiliser que les simples posts, cela ne va pas faciliter la vie des entrepreneurs solo ou petites entreprises désargentées.
- Le SEA et le SMA (publicités payantes) vont probablement tirés leur épingle du jeu puisque finalement ces changements ne sont là que pour valoriser la communication payante. Dans ce contexte la compétition entre annonceurs va devenir encore plus difficile rendant ce levier de moins en moins accessibles aux débutants. La nécessité de se former ou de passer par des prestataires qualifiés est déjà d’actualité et le restera.
- Le marketing d’influence survivra-t-il au nouvel arsenal juridique de l’état et à l’impact que pourrait avoir le passage au payant des réseaux sociaux?
- Les formats images et vidéos s’imposent naturellement comme étant les plus impactants mais seuls ceux au format texte ont la capacité de convaincre et de se référencer naturellement. Il faut donc travailler les premiers pour la recherche de volume et le second pour l’amélioration de la conversion.
Pendant les débats à la fin de mes cours, la question de l’IA revient de manière récurrente et rarement celle du passage au payant. Pourtant cette dernière a des impacts immédiats évidents et la seconde sont des impacts à termes. En tant que communicants et pour certains d’entre vous , entrepreneurs, nous nous devons de voir loin et d’anticiper ces tendances car nous devons les intégrer à notre réflexion le plus tôt possible.
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